Les ombres de la nuit s’étiraient sur le champ de bataille ravagé, un paysage de mort et de chaos où le silence pesait lourdement, comme une couverture funèbre. Au milieu des cadavres épars et des fragments d’armes brisées, une petite silhouette lumineuse fendait l’obscurité : Lilly, portant sa lumière dorée comme un phare dans cette mer de désolation. L’air était saturé de l’odeur acre du sang et de la terre br?lée, chaque souffle semblant absorber une part de désespoir.

  Battant désespérément des ailes, Lilly avan?ait, poussée par une détermination féroce malgré son épuisement. Son regard s’accrocha à une silhouette massive gisant parmi les débris d’armures tordues. Aelion, immobile, semblait presque avalé par les ténèbres qui l’entouraient. Sa poitrine se soulevait à peine, chaque respiration luttant contre un ab?me qui mena?ait de l’engloutir.

  — Je ne te laisserai pas ici… murmura-t-elle, sa voix tremblant sous le poids de l’émotion.

  Rassemblant le peu de mana qu’il lui restait, Lilly tendit ses petites mains au-dessus de lui et invoqua une barrière lumineuse. Une sphère dorée se déploya, enveloppant Aelion d’une lumière apaisante. Elle sentit une résistance, une pulsation sombre qui semblait contrarier sa magie. Mais elle serra les dents, refusant de céder.

  Centimètre par centimètre, elle commen?a à tra?ner son ma?tre loin de ce charnier. Les racines calcinées s’accrochaient à ses pieds, et les éclats métalliques jonchant le sol rendaient sa progression encore plus pénible. Ses ailes, habituellement si gracieuses, tremblaient sous l’effort. Pourtant, elle avan?ait, inexorablement.

  La brume dense qui enveloppait le champ de bataille semblait presque vivante, étendant ses doigts fantomatiques pour ralentir sa progression. Cependant, à mesure qu’elle s’éloignait, la forêt voisine lui offrit une lueur d’espoir : le bruissement des feuilles et le murmure d’un ruisseau brisaient enfin le silence étouffant. Enfin, après une marche qui sembla durer une éternité, elle atteignit une ouverture dans une paroi rocheuse.

  — Ici… C’est tout ce que je peux faire… murmura-t-elle avec épuisement.

  Tra?nant Aelion avec précaution, elle l’installa dans la grotte sombre et profonde. L’air y était frais, les parois tapissées de mousse humide. Elle scella l’entrée avec des rochers et un sort rudimentaire de dissimulation, masquant leur présence. à l’intérieur, le calme régnait, troublé seulement par les échos distants de la forêt.

  Essoufflée, elle observa Aelion, étendu, son corps couvert de plaies profondes. Son teint, d’ordinaire vibrant, était terne, presque cendré. Pourtant, sa magie sombre pulsait faiblement, preuve que son essence tenait bon.

  — Tu ne peux pas m’abandonner, Aelion… murmura-t-elle, les larmes roulant silencieusement sur ses joues.

  Avec une résilience impressionnante, Lilly quitta brièvement la grotte pour explorer les alentours. Elle ramassa des herbes médicinales qu’elle connaissait instinctivement pour leurs propriétés curatives, ainsi que de l’eau d’un ruisseau proche. De retour, elle broya les plantes avec soin, les mélangeant à l’eau pour créer une potion rudimentaire mais efficace.

  Chaque application de ce baume brillait d’une lumière douce, stimulée par la magie de Lilly. Peu à peu, les blessures d’Aelion semblaient moins profondes, sa respiration plus régulière. épuisée, Lilly s’assit à ses c?tés, veillant sur lui.

  Dans cette grotte obscure, sa lumière dorée repoussait les ombres, insufflant un souffle d’espoir.

  Le souffle d’Aelion, lourd et irrégulier, résonnait dans la grotte silencieuse. Chaque inspiration semblait une lutte contre un poids invisible. Lentement, il ouvrit les yeux. Une lumière tamisée se glissait dans son champ de vision, filtrée par l’entrée partiellement obstruée. Les contours flous des parois rocheuses se dessinaient peu à peu : des pierres irrégulières couvertes de mousse et un sol poussiéreux exhalant l’odeur familière de la terre humide.

  Son regard s’attarda sur une petite silhouette flottante. Une lumière dorée émanait de cette créature ailée, enveloppant la grotte d’une lueur apaisante. Ses ailes battaient doucement, créant un courant d’air léger qui caressait le visage d’Aelion.

  — Enfin, tu te réveilles… murmura-t-elle, sa voix douce brisant le silence feutré.

  Aelion tenta de bouger, mais une douleur lancinante irradia dans tout son corps. Chaque muscle, chaque fibre semblait br?ler sous l’effort. Il grogna faiblement, sa gorge sèche ne lui permettant qu’un rale rauque.

  La petite créature s’approcha, un mélange de soulagement et de nervosité dans ses yeux brillants.

  — Je suis Lilly, dit-elle doucement. Loriel m’a envoyée pour veiller sur toi. Enfin… c’était le plan. Mais les choses ont… dérapé.

  Elle détourna légèrement les yeux, visiblement embarrassée.

  — J’ai fait de mon mieux pour te soigner, continua-t-elle en pointant les herbes broyées et l’eau à ses c?tés. Mais sans ces plantes et ce ruisseau, je n’aurais pas réussi. Même ta régénération draconique ne suffisait pas.

  Aelion cligna des yeux, encore engourdi. Ce nom, Lilly, évoquait quelque chose de familier, mais il peinait à en saisir le sens. était-elle une extension de Loriel ? Une partie d’elle ? Il réussit finalement à articuler, d’une voix rauque :

  — Tu… es Loriel ?

  Lilly secoua vigoureusement la tête, ses ailes frémissant sous l’effort.

  — Non, pas exactement. Je suis une émanation d’elle, une fraction de sa conscience. Quand Loriel s’est retrouvée piégée par les majordomes, elle m’a libérée pour venir te retrouver et t’aider.

  Elle marqua une pause, ses yeux dorés scrutant les réactions d’Aelion. Voyant qu’il restait silencieux, elle ajouta avec une pointe de gravité :

  — Mon r?le est simple : te protéger et… te rappeler pourquoi tu te bats.

  Ces mots s’infiltrèrent dans l’esprit d’Aelion, dissipant progressivement le brouillard qui obscurcissait ses pensées. Il détourna le regard, fixant les ombres dansantes sur le plafond de la grotte.

  — Combien de temps ? demanda-t-il enfin, sa voix brisée mais plus ferme.

  — Deux jours, répondit Lilly en croisant ses petits bras. Ton corps était dans un état critique… Les majordomes…

  Elle hésita, visiblement mal à l’aise. Aelion tourna lentement la tête vers elle, une lueur inquiète dans son regard.

  — Parle, Lilly. Où est Amara ?

  La lumière de Lilly vacilla légèrement, son expression se teintant de tristesse.

  — Les majordomes l’ont emmenée. Loriel aussi. Elles sont retenues au chateau, au c?ur des Terres Maudites.

  Les mots frappèrent Aelion comme une lame glacée. Il serra les poings, ignorant la douleur qui parcourait ses bras. Une colère sourde bouillonnait en lui, mêlée d’un sentiment d’impuissance.

  — Continue, ordonna-t-il, sa voix désormais basse et tranchante.

  Lilly hocha la tête, s’approchant légèrement.

  — Ces terres… Elles sont plus mystérieuses qu’elles n’y paraissent. Quand je t’ai tra?né hors du champ de bataille, j’ai traversé des lieux étranges… familiers, même.

  Intrigué malgré sa douleur, Aelion fron?a légèrement les sourcils.

  — Explique-toi.

  Lilly inspira profondément, rassemblant ses pensées.

  — à la périphérie des Terres Maudites, la brume dense est imprégnée de magie ancienne. C’est comme si elle vivait, respirait, surveillant chaque intrus. Mais au-delà de cette barrière, tout change. La nature devient… parfaite. Les arbres, les rivières, les collines… tout semble con?u avec soin, presque artificiel.

  Elle marqua une pause, cherchant ses mots.

  — Et ce chateau… Ce n’est pas une simple forteresse. Il est sculpté dans la pierre avec une précision divine, orné de runes anciennes. Quand je me suis approchée, j’ai senti… toi. Ta magie imprègne chaque pierre, chaque rune. Ce lieu te reflète.

  Les paroles de Lilly réveillèrent un souvenir enfoui dans l’esprit d’Aelion. Une chaleur étrange l’envahit alors que des images floues émergeaient de sa mémoire.

  — C’est moi qui ai fa?onné ces terres, murmura-t-il enfin, sa voix chargée de gravité.

  Lilly ouvrit de grands yeux, stupéfaite.

  — Tu veux dire que… ?

  Aelion hocha lentement la tête, son regard distant.

  — Jadis, dans un autre monde, j’ai imaginé ce sanctuaire. Chaque pierre, chaque arbre, chaque créature… tout cela était le fruit de ma volonté. Mais ces terres ont évolué. Elles ne m’appartiennent plus comme avant.

  Lilly resta silencieuse, frappée par l’ampleur de cette révélation. Un respect mêlé d’appréhension se lisait dans son expression.

  — Alors, que faisons-nous ? demanda-t-elle finalement, sa voix tremblante.

  Aelion ne répondit pas immédiatement. Il se redressa légèrement, ses yeux fixant l’entrée de la grotte. Une résolution froide se lisait dans ses traits.

  — Nous nous préparons, répondit-il finalement, sa voix empreinte d’une détermination implacable. Pas d’arrogance, pas de précipitation. Je vais reprendre ce qui m’appartient.

  Aelion s’adossa à la paroi froide de la grotte, son regard fixant l’entrée partiellement obstruée par des rochers. La lumière douce émise par Lilly créait des ombres dansantes sur les murs, mais il n’y prêtait pas attention. Son esprit était ailleurs, assailli par un tourbillon de pensées.

  ? Les packs... Les maudits packs, ?

  pensa-t-il avec une ironie amère. Un rictus tordu se dessina sur son visage meurtri.

  Il se souvenait des nuits passées avec Lina, planifiant chaque détail de ce sanctuaire. Ils s’étaient installés confortablement, débattant pendant des heures sur les extensions à acheter, les créatures à inclure, et les structures à construire. Lina voulait des gardiens majestueux, puissants et imposants. Lui, de son c?té, préférait optimiser les défenses, maximiser les ressources. Ils avaient ri, plaisanté, argumenté sur des détails insignifiants.

  ? Les majordomes... ? pensa-t-il, le souvenir d’un écran de configuration surgissant dans son esprit.

  ? Le pack d’intelligence avancée. Une IA évolutive pour renforcer l’immersion. ‘Loyauté, autonomie, adaptabilité.’ C’était écrit noir sur blanc. Et moi, j’ai coché toutes les cases. ?

  You could be reading stolen content. Head to the original site for the genuine story.

  Un soupir échappa à ses lèvres, chargé de regret et d’amertume.

  ? Je voulais qu’ils soient parfaits, ?

  murmura-t-il pour lui-même, sa voix brisant le silence de la grotte.

  ? Intelligents, puissants, imbattables. Et regarde où cela m’a mené. ?

  Il passa une main tremblante sur son visage, sentant les cicatrices encore fra?ches qui marquaient sa peau. Il se souvenait des discussions animées avec Lina, de leurs idées farfelues qui prenaient forme dans ce monde virtuel. Tout semblait si simple à l’époque. Les ressources infinies, les quêtes simplifiées, les récompenses immédiates... Rien n’avait de conséquences réelles.

  Mais ici, dans cette réalité tangible, tout était différent. Les gardiens qu’il avait con?us comme des protecteurs étaient devenus des adversaires implacables. Le sanctuaire, censé être un lieu de paix et de grandeur, était maintenant une forteresse hostile. Et lui, leur créateur, n’était plus qu’un étranger.

  ? Ai-je vraiment une chance contre eux ? ?

  pensa-t-il, son poing se serrant malgré la douleur.

  Il revit le moment où il avait affronté le Gardien Primordial, une entité colossale qu’il avait vaincue avec arrogance. Ce triomphe l’avait rempli d’un faux sentiment de puissance, une illusion qui avait failli lui co?ter la vie.

  ? Battre ce gardien m’est monté à la tête, ?

  admit-il intérieurement.

  ? Je pensais que ma force suffirait pour dominer ces terres. Mais je me suis trompé. ?

  Il inspira profondément, rassemblant ses pensées. La douleur dans son corps était un rappel brutal de ses erreurs, mais aussi une motivation pour ne plus les répéter.

  ? Force ou pas, je ne peux pas abandonner, ? se dit-il, son regard s’embrasant d’une nouvelle résolution. ? Amara est tout ce qu’il me reste. Peu importe si je suis prêt ou non. Peu importe si je dois affronter mes propres créations. ?

  Il tourna la tête vers Lilly, qui le regardait en silence, ses ailes battant doucement.

  — On ira, dit-il finalement, sa voix brisée mais ferme. Mais pas maintenant. Pas sans préparation. Lilly… indique-moi le donjon le plus proche, si ma mémoire est bonne celui-ci devrait se trouver dans la brume. Il est assez spécial mais c’est exactement ce qu’il me faut en ce moment. Je vais m’entra?ner et ma?triser ce pouvoir, jusqu’à ce qu’il ne reste plus de doute.

  Lilly hocha la tête, une lueur d’admiration dans ses yeux.

  — Je suis avec toi, murmura-t-elle.

  Dans son esprit, une dernière pensée résonna, froide et implacable :

  ? Je vais leur rappeler pourquoi ils ont été créés. Et ceux qui s’opposent à moi regretteront leur existence. ?

  Au même moment, à des kilomètres de la grotte où Aelion se remettait de ses blessures, l’atmosphère était tout autre au sein du chateau des Terres Maudites. La salle de réunion, éclairée par des lustres monumentaux, rayonnait d’une lumière chaude et apaisante. Les gravures dorées des murs semblaient scintiller à chaque oscillation de la lumière, projetant des ombres dansantes sur le marbre noir veiné d’or du sol.

  Loriel avan?ait lentement, Amara dans ses bras, plongée dans un sommeil enchanté. L’enfant paraissait minuscule et vulnérable au milieu de ce décor majestueux et écrasant. Les cinq majordomes présents observaient la scène avec un mélange d’intrigue et de froide autorité, chacun incarnant une facette unique de pouvoir.

  L’Impénétrable, sto?que comme à son habitude, siégeait à l’extrémité de l’immense table de pierre noire gravée d’une carte minutieuse des Terres Maudites. à ses c?tés, la Matriarche, d’une élégance glaciale, croisa les bras en silence, ses yeux violets transper?ant Loriel comme une lame. L’Enchanteresse, mystérieuse et insaisissable, jouait distraitement avec une fiole lumineuse, tandis que le Sanguin, flamboyant comme toujours, laissa une aura incandescente crépiter autour de ses mains, comme une flamme prête à s’enflammer. Enfin, le Séducteur, souriant avec une suffisance calculée, referma les grandes portes d’un geste théatral avant de se diriger vers sa chaise.

  Loriel sentit le poids des regards peser sur elle à chaque pas. Elle déposa doucement Amara sur une chaise recouverte de soie, ajustant une mèche de cheveux sur le front de l’enfant endormie. Ses pensées étaient en ébullition. Pourquoi les avaient-ils gardées en vie ? Que préparaient-ils ? Son esprit cherchait frénétiquement une faille, une opportunité.

  Le Séducteur prit la parole, son ton mielleux tranchant le silence :

  — Alors, gardienne, tu as traversé bien des épreuves pour arriver jusqu’ici. Mais allons droit au but, veux-tu ? Explique-nous pourquoi cet homme mystérieux insiste autant pour fouler nos terres.

  Loriel redressa légèrement la tête, son visage restant impassible malgré la provocation évidente. Ils essayaient de la déstabiliser, mais elle savait qu’elle devait garder son calme.

  La Matriarche intervint alors, sa voix claire et sérieuse résonnant dans la salle :

  — Nous avons ressenti cette vague de puissance. Elle ne venait pas de nous. Alors dis-nous, gardienne : que caches-tu ?

  Loriel ouvrit la bouche, mais avant qu’elle ne puisse répondre, une lueur douce émana de son corps. Sur le moment, elle crut à une illusion, mais la lumière s’intensifia brièvement, attirant l’attention de tous.

  — Serait-ce… une réaction magique ? murmura la Matriarche en plissant les yeux, son ton empreint de méfiance.

  Loriel ferma brièvement les paupières, sentant les informations déferler dans son esprit comme un torrent. Les souvenirs de Lilly l’atteignaient enfin : la bataille, l’éveil d’Aelion, sa transformation, et les vérités sur ces terres. Chaque fragment s’imbriquait parfaitement, formant une image nette et indiscutable.

  Lorsqu’elle ouvrit les yeux, sa vision était claire. Aelion, son seigneur, était bien plus que ce qu’ils pouvaient imaginer. Il était le créateur de tout ce qui les entourait.

  Un frisson d’émotion pure traversa Loriel, mélange de fierté, de tristesse et d’espoir. Elle inspira profondément et leva les yeux vers ses interlocuteurs.

  Le Sanguin, fidèle à lui-même, rompit le silence par un éclat de rire bruyant :

  — Intéressant. Mais dis-moi, gardienne, à quoi devons-nous cette lumière soudaine ? Un message divin, peut-être ?

  Loriel posa un regard froid sur lui avant de répondre avec une pointe de sarcasme :

  — Un message, oui. Mais pas divin. Plut?t une vérité qui commence à vous rattraper.

  Le silence qui suivit était plus lourd encore, comme si les murs eux-mêmes retenaient leur souffle.

  L'Impénétrable, assis au bout de la table, tapota doucement sur la pierre poli, son regard métallique transper?ant Loriel.

  — Alors, gardienne, vas-tu nous dire enfin ce que nous devons savoir ? insista-t-il, sa voix calme mais imprégnée d’une autorité inébranlable. Qui est cet homme, et pourquoi fait-il tant d'efforts pour s’immiscer sur nos terres ?

  Loriel sentit les regards des majordomes s’intensifier. Elle inspira profondément, sentant les fragments des révélations de Lilly se cristalliser en elle. Le moment était venu de dévoiler une partie de la vérité.

  — Vous voulez savoir qui est Aelion ? dit-elle, sa voix ferme et empreinte d’une froide assurance. Alors écoutez attentivement. Cet homme n’est pas un simple intrus. Ce que vous percevez comme une menace extérieure… est en réalité bien plus proche de vous.

  La Matriarche fron?a les sourcils, inclinant légèrement la tête. L’Enchanteresse, quant à elle, cessa de jouer avec sa fiole et posa son menton sur ses doigts croisés, intriguée.

  Le Séducteur, toujours prêt à jouer son r?le, esquissa un sourire narquois.

  — Approche intéressante, gardienne, dit-il en appuyant son menton sur une main. Mais soyons clairs : ce n’est pas avec des mystères que tu nous convaincras. Qui est-il, réellement ?

  Loriel avan?a d’un pas, posant ses mains sur la table gravée. Elle laissa son regard balayer la pièce, capturant l’attention de chacun d’eux avant de parler.

  — Aelion est votre créateur, déclara-t-elle, ses mots résonnant comme une détonation dans la salle.

  Un silence presque oppressant s’abattit sur les majordomes. Le Sanguin fut le premier à réagir, éclatant de rire avec un mépris à peine dissimulé.

  — Notre créateur ? répéta-t-il en riant. Voilà une déclaration audacieuse ! Et pourquoi ne se manifeste-t-il pas pour réclamer son tr?ne, ce “créateur” que tu admires tant ? Pourquoi se cache-t-il comme un lache ?

  Loriel tourna lentement la tête vers lui, son expression indifférente. Elle répondit d’une voix plus tranchante :

  — Peut-être parce qu’il est assez intelligent pour ne pas se précipiter. Contrairement à vous, il planifie ses mouvements. Mais ne vous méprenez pas, Sanguin : lorsqu’il frappera, vous comprendrez qu’il ne s’agit pas d’un simple affrontement. Vous avez osé toucher à ce qu’il chérit le plus. Et cela, il ne vous le pardonnera pas.

  Le Sanguin, bien qu’arrogant, parut brièvement déstabilisé par l’assurance de Loriel. Mais avant qu’il ne puisse répliquer, la grande porte s’ouvrit avec un léger grincement.

  Tous les regards se tournèrent vers l’entrée. Le Silencieux apparut, tra?nant derrière lui trois corps sans vie. Les mercenaires, bien que visiblement vaincus, ne portaient que quelques blessures superficielles, témoins d’une lutte brève mais inégale. Leurs visages, figés dans une expression de terreur, semblaient trahir une confrontation qui avait dépassé leur compréhension.

  Le Silencieux déposa les cadavres sans un mot, puis releva son visage vers les autres.

  — Elle dit vrai, murmura-t-il d’une voix presque inaudible. Il a décimé une armée de mercenaires. Ceux qui ont survécu parlent d’un démon… ou d’un dragon.

  L’Enchanteresse plissa les yeux, troublée par cette déclaration.

  — Un dragon… ou quelque chose de pire, murmura-t-elle, comme pour elle-même.

  La Matriarche, impassible, observa les corps avec neutralité, mais Loriel per?ut une ombre d’hésitation dans son regard. L’Impénétrable, lui, demeura impassible.

  Loriel se redressa, croisant les bras. Elle laissa un instant de silence s’étirer, puis planta son regard dans celui de l’Impénétrable.

  — Vous comprenez maintenant ? dit-elle calmement. Ce n’est pas un homme ordinaire. Ce n’est pas un adversaire que vous pouvez sous-estimer. Il vient pour reprendre ce qui lui appartient. Et si vous vous opposez à lui… vous serez balayés comme ces insectes.

  Un silence pesant emplit la salle. Les majordomes échangèrent des regards, mais personne ne parla immédiatement. Loriel, sentant la tension palpable, comprit qu’elle avait réussi à semer le doute dans leurs esprits. Cependant, elle savait que ce n’était pas suffisant. Ces êtres, forgés dans l’arrogance et la puissance, ne se laisseraient pas facilement convaincre. Ils avaient besoin de plus qu’une simple menace pour ébranler leur certitude.

  Le Sanguin, toujours le premier à rompre le silence, se leva brusquement, ses yeux flamboyants d’une colère contenue.

  — Assez de ces jeux, rugit-il. Tu crois que nous devrions trembler devant ton “créateur” ? Ces cadavres ne prouvent rien, sinon que des mercenaires faibles ont trouvé leur fin. Ce “Dragon démoniaque” dont vous parlez n’est qu’un nom sans substance.

  Loriel le fixa, son regard froid et imperturbable. Elle laissa passer quelques instants avant de répondre, sa voix calme mais acérée :

  — Alors dis-moi, Sanguin, pourquoi ton c?ur s’emballe-t-il autant à l’idée de l’affronter ? Pourquoi ta voix vacille-t-elle sous le poids de tes propres doutes ?

  Le Sanguin serra les poings, mais ne trouva rien à répondre. L’Enchanteresse, assise à sa place, posa son menton sur sa main et l’observa avec un sourire énigmatique.

  — Si ce qu’elle dit est vrai, intervint-elle doucement, nous ne sommes peut-être pas aussi préparés que nous le croyons. Un créateur qui revient pour réclamer ses terres… Ce n’est pas une menace à prendre à la légère.

  La Matriarche, jusque-là silencieuse, prit la parole. Sa voix était calme, presque glaciale, mais Loriel détecta une note d’appréhension dissimulée.

  — Admettons qu’il soit aussi puissant que tu le prétends. Pourquoi maintenant ? Pourquoi ce “créateur” aurait-il attendu si longtemps pour se révéler ? Et pourquoi toi, Loriel, es-tu si certaine qu’il viendra ?

  Loriel posa une main sur la table gravée, laissant ses doigts glisser sur les reliefs. Elle observa un instant la carte sous ses yeux, se remémorant les révélations qu’elle avait re?ues de Lilly. Lorsqu’elle parla, sa voix était empreinte d’une détermination inflexible.

  — Parce que vous avez franchi une ligne que vous n’auriez jamais d? franchir, répondit-elle. Vous avez osé toucher à son héritière. Vous avez réveillé un dragon qui sommeillait. Et désormais, il n’y aura plus de retour en arrière.

  Le Silencieux, toujours debout près des corps, murmura presque pour lui-même :

  — Ces terres… elles vibrent d’une magie ancienne. Depuis que cet homme s’est éveillé, elles réagissent différemment. Quelque chose de grand se prépare.

  La Matriarche échangea un regard significatif avec l’Impénétrable. Ce dernier, demeura de marbre, tapotant doucement la table du bout des doigts, réfléchissant profondément. Enfin, il parla, sa voix tranchant l’air comme une lame.

  — Si ce que tu dis est vrai, Loriel, alors nous avons face à nous une menace sans précédent. Mais une chose m’intrigue. Pourquoi es-tu si confiante ? Penses-tu vraiment que cet homme peut réussir là où tant d’autres ont échoué ? Et toi, que comptes-tu faire pour protéger cette enfant et toi-même ?

  Loriel se redressa et fixa l’Impénétrable avec une intensité calculée.

  — Mon r?le ici est clair, dit-elle avec assurance. Je suis ici pour protéger Amara, et pour m’assurer qu’Aelion puisse accomplir ce qu’il doit faire. Vous pouvez essayer de m’interroger, de me menacer, mais cela ne changera rien. Vous êtes en train de perdre le contr?le, et il n’y a rien que vous puissiez faire pour arrêter ce qui arrive.

  Ses mots résonnèrent dans la salle, laissant une empreinte indélébile. Même le Sanguin, d’ordinaire si prompt à réagir, resta silencieux, le regard perdu dans les gravures de la table.

  Loriel, sentant qu’elle avait planté une graine de doute et d’incertitude, se tourna vers Amara, caressant doucement ses cheveux endormis. Elle parla à nouveau, cette fois avec une douceur empreinte de défi :

  — Vous avez cru pouvoir tout contr?ler. Mais vous avez oublié une vérité fondamentale : vous n’êtes qu’une ombre de ce qu’il a créé. Et lorsque viendra le moment, il reprendra ce qui lui appartient vous y compris.

  Alors que le silence dans la salle de réunion devenait presque oppressant, une vibration sourde secoua soudainement les murs du chateau. Les lustres se mirent à osciller légèrement, projetant des ombres dansantes sur les visages figés des majordomes. Une onde de mana, à la fois écrasante et étrangement familière, traversa l’air, faisant vibrer la carte gravée sur la table.

  Les yeux de Loriel s’écarquillèrent, et une expression mêlant choc et espoir illumina son visage. Elle savait ce que cela signifiait.

  L’Enchanteresse se redressa brusquement, ses yeux dorés brillant d’inquiétude.

  — Cette énergie… Elle vient de l’extérieur, murmura-t-elle.

  Le Sanguin, toujours debout, serra les poings, son sourire narquois totalement effacé.

  — On dirait qu’il n’a pas eu besoin de nous chercher longtemps, grogna-t-il.

  L’Impénétrable se leva lentement, son regard métallique braqué sur Loriel.

  — Qu’as-tu fait, gardienne ? demanda-t-il, sa voix tranchante comme une lame.

  Loriel, pourtant, resta immobile. Une lueur étrange brillait dans ses yeux, et un sourire imperceptible se dessina sur ses lèvres.

  — Ce n’est pas ce que j’ai fait, répondit-elle calmement. C’est ce qu’il fait.

  Le grondement s’intensifia, comme si le chateau lui-même répondait à l’appel d’un ma?tre oublié. Une fissure apparut sur la carte de pierre, traversant le centre des Terres Maudites, là où le chateau se trouvait.

  Et dans ce tumulte naissant, Loriel murmura, presque pour elle-même :

  — Il arrive.

  Chers lecteurs ??,

  Ce chapitre marque un tournant décisif dans l'histoire d'Aelion, où les vérités enfouies commencent à émerger et les enjeux à se préciser. Entre les révélations sur le passé des Terres Maudites et l'ombre grandissante du créateur face à ses propres créations, l'histoire prend une dimension encore plus profonde et intense.

  Merci de m'accompagner dans cette aventure. Votre soutien et vos retours sont une source d'inspiration précieuse. Que ce soit pour partager vos théories, vos émotions ou vos attentes pour la suite, vos mots m'aident à faire grandir cet univers.

  Rendez-vous dans le prochain chapitre pour des confrontations inévitables et des décisions qui scelleront le destin des personnages. Préparez-vous, car le réveil d'Aelion ne laissera personne indifférent.

  Avec toute ma gratitude

  - Votre auteur dévoué ??